Emmanuel Wüthrich

Naufrage – Survivants

Cantonale Berne Jura 2021-2022, 11 décembre 2021 au 23 janvier 2022
Kunstmuseum, Thun
Emmanuel Wüthrich,

Naufrage, Portraits de survivants et de l’Inconnue de la Seine et Campements est un projet qui s’est développé à Paris dans le cadre de ma résidence à la Cité internationale des arts. Il est au carrefour de différents «voyages» et rencontres.

Il est l’écho d’une politique de l’accueil, d’un naufrage. Inspirées par le Radeau de la Méduse de Géricault (1819), comme en quatre histoires ou destins, les peintures donnent à voir ce que l’Europe envisage aujourd’hui : libre échange des marchandises à l’échelle de la planète et rejet de l’être humain en exil à ses frontières. Oubliant sa propre histoire migratoire, notre continent, après avoir colonisé le monde (pour ses propres profits), se recroqueville sur ses acquis. Les nombreux drames en Mer Méditerranée n’en sont qu’une des obscures conséquences.

Des peintures pour questionner le monde actuel et ses dysfonctionnements.

La pandémie de 2020 a relégué le sujet de la migration au rang de l’anecdote. Et pendant ce temps, aux frontières de notre continent (par exemple sur Lesbos) ou de nos villes, des campements de réfugiés, de requérants d’asile ou de « clandestins » (quel horrible mot !), débordent. Au nord de la ville de Paris, 2500 personnes croupissent dans des campements sauvages, aux abords du périphérique, dans des conditions extrêmes d’insalubrité, dans les détritus, le bruit, les mauvaises odeurs et parmi les rats. La honte de notre Europe politique qui se cache derrière des accords de Dublin dont les conséquences sont dramatiques.

Et le cynisme de quelques états qui bloquent des embarcations de sauvetage d’ONG, sous prétextes qu’elles ne répondent pas aux normes de sécurité à bord. Des personnes secourues, rescapées de guerres et autres persécutions, en viennent à s’en prendre à leur propre vie. L’Inconnue de la Seine fait référence à une jeune femme qui se serait suicidée en se jetant dans la Seine (à la fin du 19ème siècle) dont on aurait fait un portrait mortuaire.

Dans ce contexte, à Paris ou ailleurs, de magnifiques rencontres avec des survivants.

Dans son oeuvre Naufrage – survivants – campements (2019), Emmanuel Wüthrich se penche sur la problématique persistante de la politique relative aux réfugiés. S’inspirant du « Radeau de la méduse » (1818-1819) de Théodore Géricault, l’artiste divise le tableau en quatre parties, dont chacune représente un destin. La description de Théodore Géricault d’un drame réel était révolutionnaire et montrait les derniers efforts des survivants, leur dernière chance de salut. Les travaux d’Emmanuel Wüthrich évoquent eux aussi, de par cette comparaison directe, de puissantes émotions. L’artiste attire notre attention sur le fait que les destins des personnes réfugiées tombent bien trop sou- vent dans l’oubli. Si les terribles images des frontières de l’Europe, des camps de réfugiés inhumains ou des nom- breuses embarcations en Méditerranée ne sont pour nous que des images qui apparaissent furtivement dans les médias, la situation dramatique que vivent les réfugiés est réelle. L’artiste place ce fait effroyable sous nos yeux et montre de manière criante que la pandémie n’a fait que reléguer davantage cette tragédie à l’arrière-plan de notre conscience.


CANTONALE BERNE JURA « RÉSONANCE (S) », texte de
Simone Büsch-Küng (collaboratrice scientifique du KunstmuseumThun)
Alisa Klay (collaboratrice scientifique du Kunstmuseum Thun)